LES RELATIONS ENTRE BANQUIER ET EXPERT-COMPTABLE Intervenant : M. Straumann (ancien cadre de banque et professeur de relations juridiques au Lycée Camille SEE à Colmar) I. ORGANISATION DU PAYSAGE BANCAIRE FRANÇAIS Il existe deux grands types d'établissements financiers, organisés selon deux structures juridiques distinctes : 1. les banques commerciales, adhérentes à l'AFB (Association Française des Banques), Elles sont constituées juridiquement sous la forme de sociétés de capitaux et répondent au principe « 1 actionnaire = 1 voix ». 2. les banques mutualistes, fondées sur le principe : « un homme (ou un sociétaire) représente une voix ». À l'heure actuelle, une banque mutualiste peut racheter une banque AFB, alors que le contraire n'est pas vrai. À titre d'exemple, on ne peut pas lancer d'OPA sur le Crédit Mutuel, alors que cette banque mutualiste vient de racheter le CIC. Chaque établissement, même s'il affiche une vocation de banque universelle, s'est attaché une clientèle spécialisée qui constitue son fonds de commerce. Les services sont alors développés à l'égard de cette clientèle de base, et on répondra mieux à ses attentes spécifiques. Il est donc intéressant de connaître la culture propre à chaque réseau. La Banque populaire, notamment, a essentiellement pour cible les PME-PMI et, en particulier, les artisans et commerçants. La Poste se situe en marge des deux réseaux de banques précédemment cités. Les entreprises y tiennent rarement un compte puisqu'elle n'est pas habilitée à faire crédit. L'activité principale des banquiers est d'assurer une fonction d'intermédiation, c'est-à-dire recevoir des fonds du public et les redistribuer sous la forme de prêts. Le banquier est soumis à la contrainte de rentabilité-risque. On comprend naturellement que plus la rentabilité est élevée, plus le risque l'est également. À titre d'exemple, on retiendra généralement le taux Euribor + 0,05 pour les collectivités locales. Le calcul de la rentabilité du client est facilité par l'informatisation, qui permet de réaliser un compte d'exploitation par client. Ce document peut constituer un document de travail pour négociation des conditions (taux, commissions) appliquées au client. Étant donnée le nombre d'opérations à réaliser quotidiennement, les banques fonctionnent selon le principe de la délégation, pour éviter trop de lourdeurs administratives. Entre le siège national (ou international) et l'agence locale, différents niveaux hiérarchiques existent, avec des limitations de compétence. On citera à titre d'exemple de crédit maximum accordé en fonction du degré de hiérarchie : * direction régionale : 10 millions de francs * direction locale : 5 millions de francs * agence locale : 1 million de francs. Un dossier de crédit important devra franchir ces différentes étapes et sera donc plus long à traiter. Mais il faut savoir que le chargé de compte dispose également de compétences lui permettant de répondre rapidement aux demandes de son client. II. CRITÈRES D'ATTRIBUTION D'UN CRÉDIT Il faut d'abord rappeler que le banquier ne prend pas le risque d'entreprise, qui repose sur l'entrepreneur ou les apporteurs de capitaux. Le banquier procède à une analyse rationnelle du risque. Il se fonde essentiellement sur des éléments financiers. Il va notamment analyser certains ratios pour mieux appréhender la situation de l'entreprise. Les plus usités sont les suivants : * fonds propres / total du bilan (au moins 20 %) * endettement / capacité d'autofinancement (quatre à six ans au maximum) * charges financières / chiffre d'affaires (en général, 3 à 4 % au maximum). Il va également demander des garanties. C'est ce que l'on appelle les sûretés : * garanties personnelles : caution demandée au gérant, le plus souvent. * garanties réelles : gage (monopole du Crédit Municipal sauf pour les véhicules automobiles), hypothèque (biens immeubles), nantissement (biens meubles incorporels, titres, fonds de commerce, brevets, …). * autre garantie sûre : le crédit-bail, par exemple, dans lequel le banquier est propriétaire du bien financé. III. LES DIFFÉRENTS MOYENS DE FINANCEMENT A. Financement à long terme L'aide de la banque est destinée à financer l'investissement. La négociation du taux est un élément primordial. Il s'agit d'arbitrer entre taux fixe et taux variable (indexé sur l'Euribor), sachant que le premier est le plus cher. On peut citer les produits suivants : * prêts bonifiés, c'est-à-dire aidés par l'État. Ce sont des prêts à taux préférentiel. On peut nommer, à titre d'exemple, le CODEVI, le prêt bonifié pour l'artisanat ou le prêt bonifié agricole. * crédit-bail mobilier et immobilier : mode de financement qui permet une grande souplesse pour le client et une garantie réelle pour le banquier (garantie sur le matériel). Au départ, le bien est financé à 100 % par la banque. Cette dernière y voit un produit plus rentable qu'un crédit classique. B. Financement à court terme On citera simplement les outils incontournables : * découvert et facilité de caisse (cette dernière constituant une autorisation ponctuelle), * escompte de lettres de change, * cession de créances professionnelles (loi Dailly), * affacturage : l'établissement financier garantie le recouvrement de la créance. C'est un produit qui coûte cher (com-mission d'affacturage : 5 %), * MOF (multi-options-facilities) : autorisation de découvert sur différentes devises, à des échéances multiples, … Ce produit est réservé aux très grandes entreprises, qui travaillent à l'exportation. C. La mise en œuvre de la responsabilité du banquier dans le cadre d'un crédit à court terme Deux situations peuvent se rencontrer : 1. le soutien abusif du crédit. Le banquier, en accordant des crédits sans rapport avec les capacités financières de son client, a un comportement fautif, car il donne l'apparence aux tiers de la solvabilité de l'entreprise. Il devra indemniser les tiers qui se sont engagés à l'égard de l'entreprise défaillante. 2. la rupture abusive de crédit. Le banquier refuse d'honorer les ordres de paiement de son client, alors qu'une autorisation de découvert, même tacite, existe. Cette rupture abusive de crédit engage également la responsabilité du banquier. Ce dernier ne peut dénoncer un engagement qu'en respectant un délai de prévenance (30 jours pour le découvert, 60 jours pour l'escompte), sauf comportement fautif de la part du client. CONCLUSION L'expert comptable doit bien maîtriser l'environnement financier et avoir une connaissance approfondie des techniques bancaires, car c'est un partenaire privilégié de l'entreprise. Ses conseils peuvent être décisifs, en particulier en période de crise. L'expert-comptable est également un partenaire incontournable du banquier. Son rôle est notamment de commenter les documents comptables qu'il établit, lesquels servent de support d'appréciation du risque. Les rapports du Commissaire aux Comptes constituent également un élément d'appréciation important, qu'il est bon de rappeler. Bulletin d'information de la FNECS n°28 Juillet - Août 2000